Un enjeu de santé publique sous-estimé

Chaque année en France, on estime qu’environ 37% des personnes âgées de 65 ans et plus chutent au moins une fois1. Cela représente plus de 2 millions de chutes annuelles (source : Santé Publique France, 2021). Les conséquences peuvent être lourdes : fractures, perte de confiance, peur de bouger, isolement social… selon l’Assurance Maladie, les chutes sont la première cause de décès accidentel chez les plus de 65 ans2. Pourtant, dans neuf cas sur dix, elles surviennent au domicile et, pour une bonne partie d’entre elles, elles pourraient être évitées par des aménagements simples et adaptés.

La prévention des chutes passe donc par une attention de chaque instant, mais surtout par un environnement domestique pensé pour rester libre de ses mouvements.

Identifier les zones à risque dans son logement

Avant de transformer une pièce ou d’investir dans du matériel, il est utile de repérer les dangers présents chez soi. Les accidents ne surviennent pas par hasard, ils résultent souvent de l’accumulation de petits obstacles ou d’habitudes prises – parfois de longue date.

  • Entrées et couloirs : Les zones de passage doivent être bien dégagées. Cartons, chaussures, tapis : tout ce qui encombre, glisse ou fait trébucher est source de risques. Un ressaut de 2 cm suffit à provoquer une chute.
  • Escaliers : D’après la DREES (2020), plus de 20% des chutes mortelles surviennent dans les escaliers chez les personnes de plus de 75 ans. Marches irrégulières, main courante absente ou lâche, éclairage insuffisant : chaque détail compte.
  • Salle de bain et toilettes : Les sols mouillés et les mouvements pour se baisser ou se relever rendent la pièce très à risque. 1 chute sur 5 survient dans la salle de bain (source : Assurance Maladie).
  • Cuisine : Les objets placés trop haut incitent à grimper sur un tabouret, et le carrelage humide ou gras est une cause fréquente de glissade.
  • Chambre : Se lever la nuit, marcher à tâtons, trébucher sur un fil : les chutes nocturnes représentent près de 50 % des accidents graves à domicile.

Éclairer… c’est déjà protéger !

Un logement bien éclairé diminue drastiquement le risque de chute. Avec l’âge, la perception des contrastes s’atténue ; il faut donc surcompenser l’éclairage des zones clés :

  • Entrées, escaliers et couloirs : des détecteurs de mouvement garantissent un allumage automatique. De simples ampoules LED peuvent suffire et diminuer la facture d’électricité.
  • Chemins de nuit : placez des veilleuses basse tension du lit aux toilettes.
  • Zones de changement de niveau : optez pour un balisage lumineux ou, au minimum, un contraste de couleur sur la première et la dernière marche.

Astuce : Si un interrupteur est difficile d'accès, il existe des modèles “sans fil” à installer en quelques minutes.

Adapter le mobilier et l’organisation du quotidien

Chaque meuble et chaque objet a sa place. L’objectif : éviter tout effort inutile, tout geste dangereux ou mouvement brusque.

  • Hauteur adaptée : Les fauteuils, chaises et le lit doivent permettre de s’asseoir ou de se lever sans chute brutale. Privilégiez une assise à hauteur de genoux (environ 45 à 50 cm). L’ANSES recommande d’éviter tout ce qui oblige à “tomber dans” ou à “grimper hors de” l’assise.
  • Pas d’encombrement inutile : Retirez les petits tapis (sans sous-couche antidérapante), rallonges électriques, tabourets excessivement légers.
  • Rangements accessibles : Placez l’essentiel entre la hauteur des hanches et des épaules. Il n’est jamais anodin de grimper ou de s’accroupir à répétition.
  • Pieds de meubles : Les pieds saillants, les meubles à roulettes non freinées sont des pièges à éviter.

Sols et revêtements : la sécurité au bon endroit

Un sol antidérapant, c’est une garantie supplémentaire : le carrelage lisse, la moquette sale ou repliée, ou les linos âgés sont à risque.

  • Entrée : Posez un paillasson collé et stable.
  • Salle de bain : Préférez des dalles antiglisse. Ajoutez un tapis caoutchouc à ventouses dans la douche ou la baignoire, et au sol après la sortie (source : INRS).
  • Tapis : Soit ils sont fixés, soit ils disparaissent. Les tapis mobiles sont responsables de 13% des chutes chez les plus de 75 ans, selon le Gérontopôle de Toulouse.

Des aides techniques accessibles et efficaces

Une multitude de petits dispositifs existent aujourd’hui. Selon la DREES (2022), seules 18% des personnes en ayant besoin s’équipent réellement. Parfois par manque d’information, parfois par peur de “vieillir trop vite”…

  • Barres d’appui : dans les toilettes, près de la baignoire, dans la douche… Elles doivent être fixées solidement (évitez les modèles à ventouse pour une utilisation quotidienne).
  • Sièges de douche : un simple tabouret plastifié ou un siège rabattable s’installe très facilement, sans travaux.
  • Télécommandes d’éclairage : plus besoin de se lever pour allumer ou éteindre.
  • Dispositifs de téléassistance : en cas de chute, déclenchement d’une alarme et appel à un proche ou à un service spécialisé.
  • Rehausseurs de WC : particulièrement utiles après une hospitalisation ou en cas de faiblesse des jambes.

Important : L’installation d’une rampe ou d’une barre d’appui ne signe pas un “déclin irréversible” : c’est au contraire une façon de rester autonome chez soi.

Particuliers : petits travaux et aménagements clés

  • Supprimer les seuils, adapter les portes : Un seuil entre deux pièces ou une porte trop étroite peut rendre difficile la circulation. Privilégier des portes de 80 cm (standard PMR).
  • Installer une deuxième main courante dans l’escalier : Monter et descendre à deux mains diminue le risque d’accident de 50 % d’après la Fédération Française du Bâtiment.
  • Rabaisser l’usage domestique : Micro-ondes, vaisselles, aliments indispensables : si possible, tout à hauteur d’épaule ou de plan de travail.
  • Changer la poignée : Les poignées levier sont plus faciles à manœuvrer que les poignées rondes, surtout en cas de problème de préhension.

Bien sûr, certains aménagements peuvent nécessiter l’intervention d’un professionnel (adaptation de douche à l’italienne, seuils encastrés, etc.). L’ANAH propose des aides financières (jusqu'à 50% des coûts d'adaptation pour les personnes éligibles : voir ANAH).

Adopter les bons réflexes tous les jours

  • Chaussures adaptées : oublier les mules ou les talons, choisir des semelles antidérapantes, talons larges et bonne tenue de cheville.
  • Lever la tête : Regarder où on pose ses pieds, éviter de porter trop d’objets à la fois.
  • Changer de position lentement : Les malaises vagaux ou chutes d’hypotension au lever sont fréquents chez les plus de 80 ans (source : HAS).
  • Appeler à l’aide en cas de doute : Si un geste semble risqué ou pénible, faire appel à un proche ou à un professionnel ne doit jamais être vécu comme un échec.

Impliquer proches et aidants dans la prévention

L’un des facteurs majeurs de prévention reste la vigilance de l’entourage : famille, voisins, auxiliaires de vie. Parler ouvertement du sujet, visiter régulièrement, signaler le moindre obstacle ou changement inhabituel, c’est participer activement à la sécurité à domicile.

  • Visites régulières : Un regard extérieur repère ce qu’on ne voit plus chez soi (fils qui pendent, ampoule grillée, etc.).
  • Aménagement collaboratif : Choisir ensemble l’organisation du logement permet une meilleure acceptation des changements.
  • Préparer les numéros utiles : collés près du téléphone, faciles à joindre y compris de nuit (proches, médecin, services d’urgence).

Des ateliers de prévention sont proposés par les CCAS, les caisses de retraite, ou encore via la conférence des financeurs (voir sites : pour-les-personnes-agees.gouv.fr).

Renforcer son équilibre et son autonomie au quotidien

Le maintien de l’équilibre est également une affaire “physique” : marcher tous les jours, pratiquer des exercices doux (tai-chi, gymnastique douce, marche nordique) est prouvé pour réduire les risques (source : OMS).

De simples exercices (se lever du fauteuil sans s’aider des mains, marcher en posant bien le talon puis la pointe) améliorent la perception du corps dans l’espace et la confiance en soi, deux facteurs essentiels pour limiter les chutes.

Vers un logement sur-mesure, sans perdre sa liberté

Prévenir les chutes chez soi, c’est agir sur plusieurs fronts : repenser l’espace, parfois changer de petites habitudes, intégrer des solutions simples et technologiques. Ce n’est pas “rendre la maison triste”, c’est permettre à chacun de rester acteur de son quotidien, avec moins d’angoisse et plus d’assurance.

La réflexion sur l’autonomie gagne à être menée tôt, en famille ou avec un professionnel, pour construire un environnement adapté à chacun, et ainsi profiter le plus sereinement possible de son chez-soi.

Sources principales : Santé Publique France, DREES, Assurance Maladie, Gérontopôle de Toulouse, INRS, ANAH, OMS, HAS, Fédération Française du Bâtiment

En savoir plus à ce sujet :

Je Suis Autonome pour Bien Vieillir

Des repères clairs pour vivre chez soi en toute sérénité