Les maladies chroniques : un terrain fragile pour l’équilibre

Les maladies qui affectent la santé sur le long terme modifient profondément la façon dont le corps réagit à l’effort, à la marche ou simplement au quotidien. Plusieurs pathologies sont particulièrement impliquées dans le risque de chute chez les personnes âgées :

  • Maladies cardiovasculaires
    • L’hypertension artérielle mal contrôlée peut provoquer des vertiges, en particulier lors du passage de la position assise ou couchée à la station debout (hypotension orthostatique).
    • Les troubles du rythme cardiaque (arythmies) ou l’insuffisance cardiaque peuvent entraîner une diminution de l'irrigation du cerveau, provoquant une sensation de malaise ou des pertes de connaissance subites.
  • Diabète et neuropathies
    • Le diabète peut entraîner, après plusieurs années, des troubles de la sensibilité dans les pieds (neuropathies périphériques), réduisant la capacité à ressentir le sol, à ajuster sa marche ou à repérer un obstacle.
  • Maladies neurologiques
    • La maladie de Parkinson, les séquelles d’AVC ou la sclérose en plaques altèrent la coordination, la force musculaire et l’équilibre. On estime que 60% des personnes atteintes de Parkinson chutent chaque année, contre 33% dans la population générale des plus de 65 ans (Parkinson.ch).
  • Affections ostéoarticulaires
    • L’arthrose, en particulier des hanches et des genoux, limite l’amplitude des mouvements et la stabilité.
    • Les douleurs chroniques liées aux rhumatismes réduisent la mobilité et provoquent parfois une appréhension à marcher, source de déséquilibre paradoxal.

Des études menées en EHPAD montrent que le cumul de plusieurs de ces maladies majore jusqu’à 4 fois le risque de chute comparé à l’absence de maladie chronique (HAS).

Les troubles sensoriels : quand la perception se brouille

On oublie trop souvent le rôle crucial des sens dans la prévention des chutes. Ils sont nos premiers capteurs d’alerte face à un obstacle ou à une irrégularité du sol.

  • La vision
    • 37% des personnes âgées qui chutent présentent une baisse de vision non corrigée ou insuffisamment compensée (INPES).
    • Cataracte, DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), glaucome réduisent la perception des contrastes, la vision périphérique et l’évaluation des distances.
  • L’audition
    • Des troubles de l’audition ne font pas directement tomber… mais ils limitent la détection sonore de dangers : pas d’une personne dans le dos, grincement du mobilier, indication verbale d’un proche. Ils contribuent aussi à l’isolement et à la perte de confiance en soi.
  • L’appareil vestibulaire
    • Situé dans l’oreille interne, il gère l’équilibre. Les vertiges positionnels (BPPV) sont la cause de nombreuses pertes d’équilibre soudaines, surtout chez les plus de 70 ans.
  • La proprioception
    • Les récepteurs situés dans nos muscles et articulations renseignent le cerveau sur la position du corps. Après 75 ans, leur efficacité décroît, surtout en cas de sédentarité prolongée ou de certaines maladies (diabète, polyneuropathies).

Les conséquences des traitements médicamenteux

La polymédication concerne plus de la moitié des plus de 75 ans, avec un risque accru de chute lorsque certains médicaments sont associés. Plusieurs classes de médicaments sont désormais reconnues comme à risque (Assurance Maladie) :

  • Les psychotropes (anxiolytiques, antidépresseurs, somnifères) : ils diminuent la vigilance, altèrent la coordination, le temps de réaction et parfois créent une confusion temporaire.
  • Les antihypertenseurs : s’ils sont mal dosés, ils peuvent provoquer de brusques baisses de tension et des malaises.
  • Les antidiabétiques : une hypoglycémie (taux de sucre trop bas) liée à un traitement inadapté expose à des malaises soudains, sources de chutes graves.
  • Les diurétiques : en provoquant une envie fréquente d’uriner, surtout la nuit, ils augmentent les déplacements précipités et donc le risque de chute nocturne.

Un simple chiffre : le risque de chute double chez les patients prenant cinq médicaments ou plus simultanément, tous traitements confondus (Rev Med Suisse).

Il faut insister : jamais arrêter ou modifier votre traitement sans avis médical, mais parler ouvertement de l’impact de vos médicaments avec votre pharmacien ou votre médecin permet souvent d’ajuster les doses ou de privilégier une molécule mieux tolérée.

Les troubles cognitifs et psychologiques : lucidité, attention et confiance en danger

La mémoire et les capacités de réflexion ne servent pas seulement à se souvenir de ses rendez-vous. Elles interviennent activement dans la prévention des chutes :

  • Démence (maladie d’Alzheimer ou apparentée) : la baisse du jugement, de la capacité à anticiper les obstacles ou à réagir vite multiplie les risques.
  • Confusion aiguë : une infection, une déshydratation ou une interaction médicamenteuse peut provoquer, chez la personne âgée, un état confusionnel brutal : incapacité d’identifier le danger, d’évaluer la hauteur d’une marche ou de se souvenir d’avoir déjà trébuché.
  • Syndrome dépressif et anxieux : l’apathie, la perte de confiance en soi, l’évitement de l’effort diminuent la tonicité générale, la mobilité et la vigilance.

À l’opposé, certaines personnes âgées, désireuses de préserver leur autonomie jusqu’au bout, minimisent leurs difficultés. Ce phénomène – le « syndrome de négation du risque » – les pousse à sous-estimer leurs besoins d’aide lors des déplacements, ce qui augmente les dangers.

Altération de la force et du tonus musculaire

Après 70 ans, la force musculaire baisse d’environ 2% chaque année (source : Inserm). Cette fonte musculaire, encore plus marquée au niveau des jambes, concerne tous, même les personnes en bonne santé. On l’appelle communément sarcopénie.

Conséquences concrètes :

  • Difficulté à se relever d’une chaise sans appui : un signal d’alerte précoce.
  • Baisse du temps de réaction : un pied qui heurte un tapis, un obstacle oublié… et le corps réagit trop tard.
  • Faiblesse du tronc : favorise les déséquilibres lors de torsions ou lorsqu’on porte des objets.

Des exercices simples, même à domicile, permettent de ralentir cette fonte. Mais si une chute survient, la récupération est toujours plus lente lorsque la force musculaire de base est déjà basse.

Autres pathologies spécifiques à surveiller

Au-delà des grandes familles déjà évoquées, d’autres conditions médicales augmentent discrètement le risque :

  • L’incontinence urinaire : précipitation vers les toilettes, déplacements nocturnes non préparés, tapis glissants... Autant de faiblesses à anticiper.
  • Syndrome d’apnée du sommeil : la fatigue chronique qui en découle altère la vigilance et le maintien de l’attention.
  • Problèmes orthopédiques aigus : fracture récente, entorse mal résolue, douleurs post-opératoires, etc.
  • Carences vitaminiques : en particulier la carence en vitamine D, qui touche jusqu’à 80% des personnes de plus de 80 ans et fragilise les muscles et les os (Santé Publique France).

Pour aller plus loin – comment repérer et discuter les facteurs de risque médicaux ?

Une prise de conscience sur le risque de chute gagne à être partagée en famille : il ne s’agit pas de « surveiller » ou de « limiter » la personne âgée, mais de lui offrir toutes les chances de garder sa liberté le plus longtemps possible.

  • Pensez à la consultation annuelle de prévention avec votre médecin traitant : bilan de vision, vérification des traitements, évaluation de la force musculaire, recherche d’une carence en vitamine D, discussion sur les vertiges et la mémoire.
  • En présence d’un doute, osez demander un rendez-vous avec un gériatre ou un centre de prévention des chutes : leur œil expert permet de repérer rapidement les fragilités cumulées et de proposer un plan d'action personnalisé.
  • N’hésitez jamais à signaler une « petite chute » : c’est parfois un symptôme avant-coureur d’un problème médical à corriger.

Sachez enfin que de multiples guides sont accessibles gratuitement (Santé Publique France, Assurance Maladie, associations de patients…), et qu’ils proposent des tests de repérage simples à réaliser chez soi ou avec un professionnel de santé.

Les chutes, expression d’une fragilité souvent réversible

Si les facteurs médicaux sont nombreux et parfois inévitables avec l’âge, nombre d’entre eux peuvent être dépistés, surveillés ou corrigés à temps. Oser en parler avec son entourage ou ses professionnels de santé, multiplier les petits ajustements (physiques, médicaux, psychologiques), c’est garantir chaque jour un peu plus d’autonomie et de hasard heureux à la marche de la vie.

Pour approfondir : Haute Autorité de Santé : Prévention des chutes chez la personne âgée, Ameli.fr : prévention des chutes chez la personne âgée.

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