Pourquoi s'inquiéter du risque de chute lié aux médicaments ?

Les chutes représentent aujourd’hui la première cause d’accident mortel chez les plus de 65 ans en France (Santé publique France). Environ un tiers des personnes âgées de plus de 65 ans chutent chaque année ; ce chiffre grimpe à plus de 50% après 80 ans. Au-delà des conséquences physiques (fractures, perte d’autonomie, hospitalisations), l’impact psychologique est parfois tout aussi lourd, avec la peur de rechuter, l’isolement ou la restriction des activités quotidiennes.

Mais ce que l’on sait moins, c’est que certains traitements médicamenteux courants figurent parmi les principaux facteurs modifiables de chute. Selon l’Assurance Maladie, plus de 25% des hospitalisations pour chute chez les seniors sont associées à la prise de médicaments ou à leurs effets secondaires. Face à cela, il n’est jamais inutile d’interroger ses ordonnances : quels médicaments augmentent le risque, comment les repérer, et faut-il systématiquement s’en passer ?

Comment les médicaments favorisent-ils les chutes ?

Les médicaments peuvent intervenir à plusieurs niveaux dans la survenue d’une chute :

  • Ils peuvent diminuer la vigilance (somnolence, confusion, troubles de la mémoire) ;
  • Ils agissent sur le tonus musculaire ou la coordination (faiblesse musculaire, déséquilibre, tremblements) ;
  • Ils influent sur la tension artérielle, provoquant des étourdissements ou une chute de tension en position debout (hypotension orthostatique) ;
  • Ils modifient la vision (flou visuel, troubles de la perception) ;
  • Ils interagissent entre eux, ce qu’on nomme le risque d’iatrogénie: les effets secondaires peuvent s’additionner, voire se multiplier.

Le risque est encore accru chez les personnes prenant plusieurs traitements quotidiens : 47% des personnes de plus de 75 ans prennent au moins 5 médicaments par jour (DREES, 2022). On parle alors de polymédication.

Quels médicaments sont les plus concernés par le risque de chute ?

Certains groupes de médicaments sont plus fréquemment associés à un risque accru de chute. Les plus connus sont :

  • Psychotropes : somnifères, anxiolytiques (benzodiazépines), antidépresseurs, antipsychotiques. À eux seuls, ils multiplient par 1,5 à 2 le risque de chuter (source : HAS).
  • Antihypertenseurs et médicaments cardiovasculaires : bêtabloquants, diurétiques, vasodilatateurs, souvent responsables d’hypotension et d’étourdissements.
  • Antiépileptiques, antiparkinsoniens : effets sur la coordination, les réflexes.
  • Antalgiques opioïdes : confusion, somnolence, mauvais équilibre.
  • Anticholinergiques (dont certains traitements contre l’incontinence, les allergies ou la maladie d’Alzheimer) : troubles cognitifs, hallucinations, réduction de la vigilance.
  • Hypoglycémiants (utilisés dans le diabète) : les hypoglycémies qu’ils peuvent provoquer entraînent des malaises, des pertes de connaissance soudaines et donc un risque de chute.

Attention : une simple prise ponctuelle n’a pas les mêmes risques qu’un usage quotidien et prolongé, mais certaines classes (comme les psychotropes ou les antihypertenseurs) peuvent provoquer une chute brutalement même au début du traitement.

Trouver le juste équilibre : faut-il arrêter son traitement ?

Cesser un traitement utile peut aggraver d’autres problèmes de santé ; cependant, ignorer les risques de chute peut aussi entraîner des drames. C’est pourquoi il est essentiel d’évaluer le rapport bénéfice/risque avec son médecin ou son pharmacien.

  • Diminuer progressivement : de nombreux médicaments (notamment benzodiazépines et somnifères) ne doivent pas être arrêtés brutalement : cela peut provoquer un effet de sevrage dangereux.
  • Rechercher des alternatives : certains troubles du sommeil, de l’anxiété, ou douleurs chroniques peuvent parfois être soulagés autrement (thérapies non médicamenteuses, aménagement de l’environnement, activité physique adaptée…).
  • Adopter une stratégie de « déprescription » : c’est une démarche encadrée par un professionnel, visant à réduire, simplifier ou espacer les traitements inutiles ou redondants. La Haute Autorité de Santé a publié un guide précis à destination des professionnels de santé (voir lien en bas d’article).

Repérer les signes d’alerte : quand s’inquiéter ?

Certaines manifestations doivent amener à consulter sans attendre :

  • Chutes inexpliquées ou répétées, même bénignes ;
  • Sensations de vertige, malaise au lever ou après avoir pris un médicament ;
  • Confusion inhabituelle, troubles de la mémoire, agitation, hallucinations ;
  • Apparition soudaine de difficultés à marcher, perte d’équilibre, faiblesse musculaire.

Une chute chez une personne âgée n’est jamais « banale ». Parfois, elle révèle un effet indésirable récent ou un surdosage lié à une évolution de la santé (insuffisance rénale, perte de poids, etc.).

Comment limiter le risque de chute lié aux médicaments ? Conseils pratiques

  • Faire régulièrement le point sur ses ordonnances : chaque passage chez le médecin ou le pharmacien est l’occasion de demander « Est-ce que tous mes médicaments sont encore utiles ? »
  • Ne jamais modifier seul sa prise de médicaments : ni diminuer les doses, ni arrêter sans raison, même en l’absence d’effets secondaires.
  • Prévenir son médecin en cas de nouveaux symptômes : vertiges, troubles de la marche, faiblesse, confusion, chutes.
  • Adapter les prises de médicaments (horaires, alimentation) pour limiter leurs effets indésirables ; demander conseil au pharmacien.
  • Limiter l’alcool et les interactions : l’alcool ou certains aliments (jus de pamplemousse, par exemple) peuvent aggraver les effets secondaires.
  • Vérifier la compatibilité des traitements : si un nouveau médicament est prescrit par un autre spécialiste, toujours mentionner le traitement habituel.
  • Solliciter une « revue de médication » : de nombreuses pharmacies réalisent aujourd’hui ces bilans personnalisés, souvent pris en charge par l’Assurance Maladie.

Focus : les benzodiazépines, un vrai sujet de société

La France fait partie des pays qui consomment le plus de benzodiazépines (somnifères et anxiolytiques) au monde. Selon la CNAM, la consommation régulière chez les plus de 65 ans reste très élevée ; en 2022, plus de 11% de cette tranche d’âge recevaient au moins une prescription de ce type chaque trimestre. Ces substances multiplient par deux le risque de chute et de fracture chez les sujets âgés (Étude INSERM, 2018). Leur utilisation prolongée est l’objet de campagnes de sensibilisation régulières.

Le sevrage ou l’arrêt progressif de ces médicaments réduit non seulement le risque de chute, mais aussi celui d’altération de la mémoire et d’hospitalisation pour confusion.

Chutes médicamenteuses : l’impact pour l’entourage et l’organisation du domicile

Le rôle de l’entourage (aidants familiaux, voisins, professionnels à domicile) est majeur dans la prévention :

  • Être vigilant face à l’apparition de troubles de l’équilibre ou de la mémoire ;
  • Veiller à la bonne prise des médicaments, ni oubli, ni surdosage ;
  • Suggérer une réévaluation régulière du traitement avec les soignants ;
  • Aménager le logement : pose de barres d’appui, éclairage suffisant, élimination des obstacles…

Enfin, ne pas hésiter à parler ouvertement des chutes, y compris de celles « qui n’ont pas fait trop mal » : le silence et la peur de déranger retardent parfois la prévention.

L’essentiel à retenir pour rester autonome… en toute sécurité

La surveillance des médicaments fait partie des piliers du maintien de l’autonomie après 65 ans, au même titre que l’aménagement du logement ou l’activité physique adaptée. Les chutes liées aux traitements sont fréquentes, mais pas une fatalité : oser faire le point avec les professionnels de santé, s’entourer de proches vigilants, et repérer précocement les premiers signaux d’alerte permet de continuer à vivre chez soi, en toute confiance. Les solutions existent, et la prévention commence toujours par une bonne information.

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