L’importance de continuer à sortir, même avec une mobilité réduite

Se limiter aux murs de chez soi, perdre le plaisir d’une balade ou d’un simple passage chez le coiffeur… Voilà une crainte partagée par de nombreuses personnes qui commencent à ressentir une perte d’agilité ou de stabilité. Pourtant, sortir n’est pas seulement un loisir : c’est une nécessité vitale !

En effet, multiplier les sorties, mêmes courtes, lutte contre la perte d’autonomie, l’isolement, l’anxiété et la dépression (source : Santé publique France). Les personnes qui sortent au moins trois fois par semaine, ont un risque réduit de 30% de perte d’autonomie par rapport à celles qui restent chez elles en permanence. Un chiffre qui en dit long sur l’importance du lien social et du mouvement au quotidien.

Mais comment retrouver la confiance nécessaire quand l’équilibre vacille, que la peur de tomber ou de se perdre s’installe ? Il existe des repères simples, des outils efficaces, et des astuces parfois méconnues. Découvrons-les ensemble.

Identifier les principaux risques lors des sorties

Avant de chercher des solutions, il est essentiel de bien cerner les dangers auxquels une personne fragilisée peut être exposée :

  • Risques de chute : Selon l’Assurance Maladie, 46% des personnes de plus de 75 ans chutent au moins une fois par an, surtout à l’extérieur (trottoir dégradé, chaussée glissante, etc.).
  • Risques de désorientation : Chez les personnes présentant des troubles cognitifs débutants, sortir peut générer de la confusion, voire une errance.
  • Fatigabilité accrue : Marcher plus de quelques dizaines de mètres peut s’avérer difficile.
  • Risques liés à l’environnement : Variations climatiques, circulation automobile, mobiliers urbains peu adaptés.
  • Sensibilité au stress : La perte de repères ou le sentiment d’être jugé peut provoquer de l’angoisse.

Ces risques ne doivent pas mener à l’immobilisme, mais à la réflexion. Il existe des moyens concrets de les diminuer.

Préparer intelligemment sa sortie : l’art de l’anticipation

Chaque sortie, pour rester un plaisir, mérite d’être pensée en amont. Quelques points de vigilance :

  • Planifier l’itinéraire : Préférer les parcours familiers, bien entretenus, aisément praticables, proches de zones habitées ou commerçantes pour demander de l’aide en cas de besoin.
  • Analyser la météo : Éviter les sorties en cas de pluie, verglas, neige, fortes chaleurs ou vents violents. S’équiper en conséquence : chaussures fermées, vêtements adaptés, lunettes de soleil, couverture éventuelle.
  • Prévenir un proche : Informer un membre de la famille ou un voisin, ou activer une alerte sur son smartphone ou sa téléassistance (« Je pars pour une marche, retour prévu à 16h »).
  • S’assurer une autonomie matérielle : Apporter de l’eau, une collation, le téléphone portable expliqué et paramétré pour les urgences (numéros préenregistrés).

Gardez à l’esprit que plus la sortie est bien pensée, plus elle sera rassurante et agréable.

Bien choisir l’aide-mobilité adaptée à ses besoins

Le choix d’un appui ou d’un outil d’aide mobilise souvent des réticences : peur de « faire vieux », d’alourdir la démarche… Pourtant, certains équipements sont aussi discrets qu’efficaces et apportent une véritable sécurité. Voici l’essentiel :

  • Canne simple ou canne tripode : Pour les personnes ayant un léger déséquilibre, la canne apporte un appui supplémentaire. La canne tripode offre plus de stabilité, particulièrement sur les terrains irréguliers.
  • Déambulateur ou rollator : Utile dès que la marche sans appui devient difficile ou que l’on ressent la peur de tomber. Le rollator, muni de freins et d’un siège, permet de faire des pauses partout et rassure sur des distances plus longues.
  • Fauteuil roulant manuel (occasionnel) : Si marcher n’est plus envisageable sur de longues distances mais que l’on souhaite participer à une sortie familiale (promenade, marché, musée), il est pertinent d’en emprunter un temporairement (location possible auprès d’un pharmacien ou d’une association).
  • Appareils spécifiques et innovations récentes : Certains dispositifs, moins connus, peuvent aider : ceintures d’alarme anti-chute, semelles anti-glisse, parapluies-cannes, etc.

Le choix dépend de l’autonomie, du lieu de sortie, et du degré de confiance dans la mobilité. Il ne faut pas hésiter à demander conseil à un professionnel de santé (ergothérapeute, kinésithérapeute), qui évaluera gratuitement ou à moindre coût la situation.

Bénéficier d’aides humaines et de dispositifs d’accompagnement extérieurs

L’accompagnement humain rassure et permet d’oser dépasser sa peur. Il existe aujourd’hui plusieurs solutions efficaces, parfois méconnues :

  • Accompagnement par un proche ou voisin : Proposer à quelqu’un d’accompagner la 1ère fois sur un nouveau trajet, pour se rassurer, est une démarche utile. Beaucoup de voisins, même éloignés, acceptent volontiers d’être « compagnon de sortie ».
  • Associations d’aide à la mobilité : Des initiatives locales (comme « Monalisa », « Voisin-Age », ou encore certaines délégations du Secours Catholique) proposent des accompagnateurs bénévoles pour des promenades, des courses ou des rendez-vous (voir www.monalisa-asso.fr).
  • Services d’accompagnement à la mobilité urbaine : Certaines collectivités offrent des services adaptés, comme le dispositif PAM (Pour Aider à la Mobilité, présent dans de nombreux départements), ou des taxis sociaux à tarif réduit pour trajets précis. Renseignez-vous en mairie ou auprès des CCAS (Centres Communaux d'Action Sociale).
  • Transport accompagné : Pour les personnes ne pouvant plus prendre seules les transports en commun, certains réseaux (bus, tramway) proposent des accompagnateurs ou des solutions de transport à la demande (TAD).

Beaucoup de personnes ignorent ces services. Les contacter ne signifie pas perdre son autonomie : c’est au contraire une façon de la préserver tout en écartant l’isolement.

Bien s’équiper : le choix du matériel pour la sécurité en extérieur

Certains équipements peuvent paraître accessoires, mais réduisent considérablement le risque d’accident :

  • Téléphone portable simplifié : Les modèles pour seniors (Doro, Emporia, Artfone…) proposent des touches larges, un bouton d’alerte et la localisation GPS. Les smartphones classiques peuvent être paramétrés avec des applications d’assistance ou de communication rapide.
  • Système d’alerte géolocalisé : Les montres connectées ou médaillons GPS permettent d’être localisé en cas d’égarement ou de problème. Certaines mutuelles les proposent en location.
  • Lunettes de soleil et casquette : Indispensables dès qu’on a une perte de vision ou un départ de cataracte, source majeure de désorientation chez les plus de 75 ans (source: INSERM).
  • Bracelet d’identification : Indique le nom, le contact d’un proche, d’éventuelles contre-indications médicales : précieux si la personne perd ses repères.
  • Baskets fermées, semelles antidérapantes : Proscrire les mules ou chaussons, préférer un maintien du pied et adhérence forte pour prévenir les chutes sur trottoir mouillé.

Les pièges de l’environnement urbain, et comment les contourner

Certaines sorties paraissent « simples », mais cachent des obstacles invisibles. Quelques points à vérifier avant de partir :

  • État des trottoirs : Leur qualité varie beaucoup selon les quartiers. Privilégier les voies larges, éviter les zones à fort passage ou les chantiers.
  • Feux piétons : De nombreux feux ne laissent pas le temps de traverser sereinement (en moyenne, la traversée d'un passage piéton animé dure 6 à 12 secondes selon la ville, alors qu’il faut 15 à 20 secondes à un piéton ayant une mobilité réduite : données Cerema 2022). Repérer les boutons d’appel pour demander un feu plus long.
  • Bancs et assises : Programmer des pauses, s’asseoir fréquemment. Déjà en 2018, un sondage de la CNSA révélait que près de 60% des personnes âgées limitent la promenade faute d’assises proches à l’extérieur.
  • Éviter les heures de forte affluence : La foule multiplie le risque de bousculade et d’angoisse. Mieux vaut préférer le matin, ou juste après la pause déjeuner, quand les trottoirs sont plus calmes.

Une application pratique : via l’appli « Waze piéton » ou le site accessible.net, il est possible de repérer un parcours accessible, noter les points dangereux, et mémoriser un trajet « sécurisé».

Entraîner sa mobilité… et son cerveau : conseils d’experts

On sous-estime trop souvent ce que l’on peut regagner avec un accompagnement adapté :

  • Kiné-marche : Plusieurs séances de rééducation, même tardives, permettent d’améliorer l’équilibre, le lever du pied ou le réflexe d’arrêt au trottoir. En France, 1 séance de kinésithérapie sur 4 concerne aujourd’hui la réadaptation de la marche chez les plus de 70 ans (source : Ameli.fr).
  • Travail de préparation mentale : Les ergothérapeutes ou psychologues spécialisés proposent des stratégies pour mieux gérer l’angoisse du dehors : visualisation positive, relaxation, respiration…
  • Ateliers collectifs : De nombreux CCAS, associations ou mutuelles organisent des ateliers « prévention des chutes » gratuits ou à coût réduit. Marcher en groupe est souvent très rassurant les premières fois.

Un entraînement régulier rend les sorties moins éprouvantes et rallonge la « capacité de sortie » de plusieurs années.

Oser demander de l’aide : changer de regard sur l’accompagnement

Demander de l’aide n’est jamais un échec, ni une faiblesse. C’est, au contraire, la marque d’une volonté d’autonomie responsable. La majorité des bénévoles interrogés par France Bénévolat disent qu’accompagner une personne fragile est aussi enrichissant pour eux que pour la personne soutenue.

En France, 17% des plus de 75 ans utilisent déjà un service d’accompagnement pour sortir. Ce chiffre progresse, mais reste inférieur à la moyenne européenne (24%, source Eurostat), notamment faute d’information ou de culture du « droit à l’accompagnement ». Profiter d’un accompagnement, c’est aussi donner l’exemple à ses proches, au reste de la société.

Sortir malgré une perte d’autonomie : tous acteurs du changement

La question de la sécurité à l’extérieur ne concerne pas seulement l’individu, mais toute sa communauté : famille, voisins, société, espaces publics, institutions. Soutenir les sorties des plus fragiles, c’est favoriser la liberté de chacun de profiter de la vie, à sa mesure.

La France, avec plus de 13 millions de personnes de plus de 65 ans en 2024 (source : INSEE), doit faire évoluer ses espaces et ses services. Mais chaque individu, chaque famille, chaque voisin peut être acteur de ce changement. Sortir, c’est aussi montrer que l’autonomie se travaille, s’aménage, se défend chaque jour… et que la ville doit s’adapter à tous les âges.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter les ressources suivantes :

Sortir, ce n’est pas seulement rester mobile. C’est aussi continuer à s’ouvrir au monde, à participer à la vie, et à inspirer confiance aux générations à venir.

En savoir plus à ce sujet :

Je Suis Autonome pour Bien Vieillir

Des repères clairs pour vivre chez soi en toute sérénité